Témoignages de Menouar Lounes, Responsable Référentiel, Cora/Provera et Hervé Laureau, Directeur Logistique, Unilever, Co-chairs du Comité de Pilotage "Réglement UE 1169/2011 pour les sites de vente à distance".
Quels sont les enjeux de la réglementation 1169/2011 pour les acteurs distributeurs et industriels ?
Menouar Lounes :
Pour les distributeurs, il s’agit clairement d’un enjeu de taille, compte tenu de la volumétrie des produits concernés (plus de 70 000 produits alimentaires pour un hypermarché), sachant que l’obligation d’affichage les impacte directement pour les marques distributeurs, et surtout pour les sites de vente en ligne, qui supportent la même obligation réglementaire.
Pour Cora, l’enjeu sur les sites Drive est particulièrement important au regard du nombre de référence en ligne le plus important de la grande distribution en France (25 000 produits alimentaires).
Cette réglementation pousse l’ensemble des acteurs de la chaîne à revoir la gestion des informations au sein des équipes et des outils.
Donc, en plus d’un enjeu commercial vis-à-vis de nos clients, nous devons faire face à un défi conséquent d’organisation et d’optimisation des hommes et des systèmes.
Hervé Laureau :
Nous avons identifié très clairement deux enjeux stratégiques liés directement à la mise en place de la réglementation. L'un concerne l'organisation interne des entreprises et le second la transmission des informations.
Les mises à jour sur le packaging sont une pratique habituelle pour les industriels, le vrai défi qu’apporte cette réglementation réside dans la structuration de l’information au sein de l’entreprise, cela implique en interne beaucoup plus de coordination, une gestion de l’information plus centralisée qu’auparavant.
L’information produit qui apparaît sur le packaging est souvent dispatchée au sein de différentes équipes, R&D, marketing, et le partage de cette information de façon structurée à nos clients distributeurs notamment pour les sites de vente en ligne, va forcément induire une coordination accrue. Elle doit être centralisée, validée avant d’être publiée. C’est un enjeu interne important car multifonctionnel qui implique aussi une évolution en termes d’outils qui soient en mesure de réunir toutes ces informations (ingrédients, tableaux nutritionnels, allégations, …) au même endroit. Aujourd’hui, il faut qu’un dialogue sur l’information produit s’instaure, de la même façon qu’il s’est construit il y a quelques années pour les informations logistiques (taille des cartons, les poids, …).
Le consommateur cherche à être de plus en plus informé sur la nature et l’origine des produits, comment pensez-vous que cette réglementation contribuera à rendre le consommateur plus averti.
Menouar Lounes :
Cette réglementation est louable au regard de l’intérêt croissant des consommateurs quant au réel contenu des produits qu’ils se procurent.
Par contre, la masse d’information à fournir présente un vrai risque de lisibilité. Elle n’apportera des avantages aux consommateurs que si cette information est structurée, notamment sur les sites de ventes en ligne. Si nous réussissons à indexer les données à des moteurs de recherches avec des critères de sélection et / ou d’exclusion (comme pour les allergènes), les internautes trouveront un réel intérêt à disposer de tant d’informations.
Hervé Laureau :
Cette réglementation s’inscrit dans une démarche de transparence que les industriels cherchent à développer toujours plus.
Pour un consommateur qui n’a pas pour habitude de chercher de l’information, l’impact de la nouvelle réglementation sera nul. Pour celui qui souhaite se renseigner sur la composition des produits, sur les aspects allergènes par exemple, il sera totalement satisfait. Désormais, avant même son achat, il pourra disposer en amont de toutes les informations sur le produit.
Une bonne synchronisation et le partage de l’information entre partenaires commerciaux sont l’approche retenue, quels conseils souhaiteriez-vous donner aux entreprises ?
Menouar Lounes :
La collaboration entre industriels et distributeurs dépasse le cadre réglementaire. Il faut toujours garder l’objectif de mieux servir nos clients et se donner les moyens de bien vendre les produits. Si on veut assurer une commercialisation rapide, les aspects administratifs et réglementaires ne doivent pas constituer d’entraves.
Ces dispositions réglementaires sont l’occasion pour chaque entreprise, quelle que soit sa taille, d’aller plus loin dans l’optimisation de sa gestion des données. Il faut donc les percevoir comme une chance de professionnalisation accrue, notamment dans le domaine de la vente en ligne.
Pour obtenir la fluidité dans les échanges d’informations, la synchronisation au travers de la GDS (Gestion des données synchronisées) constitue le moyen le plus privilégié de par son automatisation et sa traçabilité.
Hervé Laureau :
Cette réglementation est une opportunité pour les entreprises, de remettre à plat toute la gestion des informations au sein de leur structure et c’est aussi l’occasion de s’assurer d’une parfaite gestion, non seulement des informations logistiques mais aussi des informations techniques du produit.
Une vraie professionnalisation de la gestion de l’information s'impose. Elle permettra de se détacher de l’échange d’informations par fichiers excel et d'opter vers plus d’automatisation, de standardisation et donc d’usage de la GDS. Une des principales conséquences positives de l’utilisation de la GDS est la réduction des coûts administratifs pour les PME et TPE. Cette nouvelle réglementation devrait inciter les distributeurs à l'usage de réseau synchronisé car cela deviendra de plus en plus compliqué de gérer toutes ces informations sur des fichiers excel.
Parlez-nous en quelques mots des travaux réalisés au sein de ce groupe et de l’importance de la concertation dans ce type de dossier ?
Menouar Lounes :
La coordination assurée par les équipes de GS1 nous permet de mener ce projet dans un climat d’échange très productif. Les intérêts des entreprises en jeu sont pris en compte dans le cadre d’un objectif bien défini et partagé.
Pour réussir l’échange et le partage des données entre tous les types d’entreprises, en plus du canal pur GDS, différentes pistes sont à l’étude pour trouver des solutions alternatives, tout en respectant le format standard. Par exemple, en s’appuyant sur des prestataires, comme les catalogues électroniques certifiés.
Ces orientations sont définies, grâce notamment aux multiples contributions des entreprises participant aux groupes de travail.
Hervé Laureau :
Ce groupe a permis de mettre en exergue le rôle accru de GS1 au niveau européen qui doit travailler à plus d’harmonisation européenne pour la mise en place des standards et de leur utilisation face à cette réglementation. La réponse à ce règlement ne peut pas être franco-française, une entreprise française qui livre dans plusieurs pays va être confrontée à cette problématique, d'où l'importance des travaux européens pour s'aligner sur la mise en oeuvre opérationnelle.